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Par monsieur Emmanuel LHERMITTE, expert C.N.E.S.

Librairie Emmanuel Lhermitte

157, Avenue de Suffren - 75015 PARIS - FRANCE.

Tel. 33 (0) 1 40 65 91 11, Fax 33 (0)1 40 65 91 15

E-mail: lhermite@worldnet.fr


La Loi du 10 juillet 2001 fixe la nouvelle réglementation applicable à l'exercice des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques en France.

Elle vient bouleverser un ordre établi par un édit de 1556 qui, au fil des temps, avait subi diverses modifications, elle brise le monopole des commissaires-priseurs qui étaient auparavant, avec les huissiers et les notaires, les seuls officiers ministériels chargés de procéder à la vente publique de meubles et effets corporels et donne à des sociétés commerciales le pouvoir de procéder à ces ventes. Elle ouvre le droit pour les sociétés étrangères de procéder à des ventes volontaires en France, ce que le monopole leur interdisait. Elle institue un "Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques" chargé de procéder à l¹agrément de ces sociétés commerciales et chargé de mettre en place le nouveau système. Elle lui confère certains pouvoirs, notamment celui de délivrer l'agrément à une société de vente ou de sanctionner son activité si cette dernière n'a pas respecté la nouvelle législation.

Elle fixe enfin un embryon de statut pour les experts en meubles et effets corporels en offrant à ces derniers la possibilité, s'ils le désirent, de se faire agréer par ce conseil et de se prévaloir alors du titre "d'Expert agréé par le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques" à peine pour eux de respecter de certaines règles déontologiques et financières fixées par la loi auxquelles ne sont pas tenus les experts qui ne demanderaient pas leur agrément. Il n'est pas ici de notre propos de discuter du bien fondé du monopole des commissaires-priseurs et de sa suppression, de leur changement de statut et, par voie de conséquence, de l'élargissement de cette profession à toutes sociétés commerciales. Nous sortirions alors du cadre que nous nous sommes fixé.

La nouvelle législation étant comme nous l'avons dit une possibilité offerte aux experts qui sont libres de s'y rattacher ou de ne pas s'y soumettre, notre but est de tenter d'analyser celle-ci, d'en dégager clairement les avantages et les inconvénients afin que chacun mesure la portée pour lui d¹une telle demande.

Rappelons ici que le titre d'expert en oeuvres d'arts ne correspond à rien en France. Seuls les experts agréés par la Cour de Cassation, les experts près la Cour d'Appel, les experts assesseurs près les commissions douanières ou près d'autres autorités administratives ou judiciaires voient leur titre reconnu par les pouvoirs publics et sont soumis à des règles dont le manquement les ferait déchoir.

Pour les autres experts il n'est point de règles. Tout revendeur d'objets mobiliers ou personne qui se dit compétente peut se prévaloir de ce titre sans risquer de la part de l'autorité judiciaire une quelconque sanction. Ainsi tout marchand, antiquaire, libraire, brocanteur, etc., peut s'il le désire ajouter sur sa vitrine, son papier à lettres ou sa carte de visite le mot "Expert" même s'il est de la plus grande incompétence. Aucune sanction ne sera jamais prise à son encontre. Le simple particulier qui n'a pas connaissance de cette absence de statuts et qui pousse la porte de ce magasin est, à juste titre, trompé par cette appellation d'expert à laquelle il fait naturellement confiance. Il en va de même aujourd'hui pour les experts qui officient dans les ventes publiques. Les commissaires-priseurs sont libres de choisir leurs experts, que ceux-ci soient compétents ou non, et ces derniers ne sont pas forcément des personnes qui pratiquent cette activité d'expert de manière régulière, ce peut-être aussi des experts occasionnels. Dans la plupart des cas il faut avouer, et l'on peut s'en féliciter, les experts qui assistent les commissaires-priseurs dans les ventes publiques sont des gens qui font leur métier avec sérieux et compétence, mais cette majorité n'est malheureusement pas une généralité et l'on a vu parfois des commissaires-priseurs organiser des ventes avec des experts qui n'étaient autres que les vendeurs eux-mêmes, apporteurs de la vente.

Ce vide juridique du statut des expert ne pouvait convenir à des professionnels qui voulaient que leurs compétences soient reconnues. Devenir expert agréé par la Cour de Cassation, près la Cour d¹Appel, près les commissions douanières est certes une reconnaissance officielle, mais le nombre d'élus est très faible au regard du nombre des demandeurs et le choix qui est fait par l'autorité judiciaire ou administrative ne correspond à aucune règle précise ou en tout cas à aucune règle édictée. Il semble qu'en ce domaine un expert puisse proposer de multiples fois sa candidature et que celle-ci lui soit invariablement refusée sans qu'il en ait l'explication. On motivera le refus par le fait que l'autorité administrative ou judiciaire n'a pas besoin d'expert dans le domaine qui relève de la spécialité du demandeur, ou qu'elle en a déjà suffisamment, mais l'impression restera pour ce dernier que l'acceptation ou le refus de sa demande relève plus du bon vouloir et de l'humeur de l'autorité compétente que d¹un système rigoureusement établi.

Quoi qu'il en soit, le nombre d'élus étant comme nous l'avons dit restreint, les experts ont cherché par eux-mêmes à s'organiser et à se fixer des règles, ceci pour le respect de leur profession et par voie de conséquence pour la reconnaissance de leurs compétences. Pour cela ils ont eu recours au corporatisme. Ainsi sont nés les compagnies et syndicats d'experts, associations de personnes qui se soumettent volontairement aux mêmes règles et aux mêmes obligations qu'ils ont eux-mêmes édictées. Il existe aujourd'hui trois grandes organisations en france : (1) la Compagnie Nationale des Experts spécialisée en livres, antiquités, tableaux, (2) la Chambre Nationale des Experts Spécialisés en objets d'art et de collection et le (3)Syndicat Français des Experts Professionnels en oeuvres d'art et objets de collection. L'appartenance à l'une de ces associations oblige l'adhérent au respect des règles fixées par l'ensemble des membres de cette association. Elle lui permet également de se prévaloir de cette appartenance, prouvant ainsi que ses compétences, sa probité, son sérieux ont été reconnus par ses pairs. L¹expert ainsi membre de ladite compagnie pourra faire mention de cette appartenance par tous les moyens qu'il souhaite, à cette réserve près qu'il ne pourra utiliser le terme "agréé auprès de", cette appellation étant jusqu'à aujourd'hui réservée aux experts agréés par la Cour de Cassation. On peut se demander le bien fondé de cette interdiction, le terme agréer voulant expressément dire "admettre, recevoir quelqu'un en quelque qualité", mais les choses sont ainsi et l'on ne peut y déroger.

A ce propos on notera que le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques pourra lui agréer des experts qui pourront alors se prévaloir de ce titre "d'expert agréé par le Conseil". Cette possibilité d'agréer des experts lui a été reconnue par la loi du 10 juillet alors que cette loi ne précise même pas le statut juridique de ce Conseil et qu'à ce jour il n'est pas défini comme établissement public, autorité administrative ou ordre professionnel. Tout au plus sait-on que ce Conseil est doté de la personnalité morale.

Mais passons, nous sortons là du cadre que nous nous sommes assigné.

La nouvelle loi offre une possibilité à l'expert. Celui-ci peut, s'il le désire, demander son agrément. S'il ne le demande pas il est soumis aux règles qui préexistaient avant le 10 juillet 2001, règles quasi inexistantes. Il pourra ainsi continuer à exercer sa profession auprès des sociétés commerciales ou auprès de ses clients de la même manière qu'il pouvait officier auparavant. Si l'expert demande son agrément, il doit fournir au Conseil des pièces administratives justifiant de son identité, un casier judiciaire vierge et "copie des diplômes dont il se prévaut et des documents justifiant l¹expérience professionnelle acquise dans les spécialités pour lesquelles l¹agrément est sollicité".

En bref l'expert qui demande son agrément doit fournir au Conseil, à peu de choses près, les mêmes pièces que celles qu'il fournissait déjà pour faire partie des compagnies d'expert ou syndicats dont nous avons parlé plus haut et dont bien souvent il fait déjà partie. On ne peut que se féliciter que le législateur dans sa sagesse demande ces gages de moralité et de compétences. Elles sont ce que l'expérience avait imposé aux groupements corporatifs et il n'y a à cet égard aucune raison à la critique. Un justificatif d'identité et un extrait de casier judiciaire sont des pièces administratives sur lesquelles le Conseil n'a pas de latitude pour juger de l'acceptation ou du refus de l'agrément. Il n'en est pas de même pour les documents justifiant l'expérience professionnelle. Ceux-ci font partie du domaine de l'interprétation personnelle que le Conseil pourra en faire.

Nous touchons là l'un des points essentiels de la nouvelle loi. Pour bien l'analyser il faut faire référence à la pratique existant dans les organisations professionnelles. Les mêmes pièces, en règle générale, sont demandées par ces organisations, encore faut-il ajouter que celles-ci imposent au postulant des conditions supplémentaires pour le dépôt d'un dossier, notamment des lettres de parrainages et un certain nombre d'années d'exercice. Certaines organisations font également passer un examen ou ont prévu la possibilité d'en faire passer un. La décision d'accepter ou de refuser un membre est ensuite prise par l¹ensemble des membres du conseil d'administration généralement composé d'un président, d'un vice-président, d'un trésorier, d'un secrétaire général et de conseillers, tous experts professionnels.

Que se passe-t-il dans la pratique ?

Si le postulant est connu de tout le monde, s'il pratique l'expertise de manière sérieuse, s'il fait son métier de manière honorable et compétente, s'il remplit toutes les conditions requises et s'il n'y a pas d'opposition, sa candidature est admise. Il est en fait jugé par ses pairs qui le connaissent. Il a été d'abord présenté par ses parrains puis jugé sur ses compétences et ses qualités d'expert. L¹examen n'est pas demandé quand le demandeur est suffisamment connu de tous les gens du métier et que ses compétences sont reconnues par eux. Et d¹ailleurs pourrait-il en être autrement ?

Peut-on imaginer le grotesque d¹une situation où l'un des plus grands experts de la place viendrait demander son adhésion à une compagnie et serait tenu de prouver ses qualités professionnelles à des gens qui en sauraient moins que lui. Cela n'aurait pas de sens et les compagnies sont je crois suffisamment sages pour admettre sans grande discussion des femmes ou des hommes dont les compétences ne sont pas discutables.

Dans le cas contraire où le postulant n'est pas suffisamment connu, la décision des membres du Conseil d'administration s'appuyera sur la motivation des parrains, sur les diplômes et justificatifs d¹expérience professionnelle et enfin sur un examen ou un test dont le résultat sera jugé par un ou plusieurs membres de la compagnie, experts dans les mêmes spécialités que celles du candidat.

Bref, le refus ou l'acceptation d'un membre est exprimé par des hommes et des femmes qui font le même métier, dans les mêmes spécialités, qui sont les mieux placés pour juger de la qualité du candidat.

Qu'en est-il des membres du Conseil nouvellement créé qui sont chargés de délivrer ou de refuser l'agrément ?

Ceux-ci ont été nommés par un arrêté pris le 2 août 2001 par la Garde des Sceaux Ministre de la Justice. Le Conseil se compose de deux catégories de personnes ; douze membres nommés en qualité de personnes qualifiées dont six membres titulaires et six membres suppléants, et dix membres nommés en qualité de représentants des professionnels dont cinq membres titulaires et cinq membres suppléants. C'est bien naturellement que le monde des experts avait pensé que les membres du Conseil chargés de se prononcer sur l'agrément des experts seraient ceux nommés en qualité de représentants des professionnels. De là un tollé quasi général de leur part quand les noms des membres du Conseil furent connus. En effet, font partie des membres nommés en qualité de représentants des professionnels français les présidents de Sotheby's France et de Christie's France, deux filiales de maisons de vente anglo-saxonnes, filiales qui n'ont jamais procédé à des ventes publiques en France avant le 10 juillet 2001.

Le Conseil, par la voix de son Président, a fait connaître depuis le nom de ses membres spécialement chargés de délivrer l'agrément. Il a ainsi tenté de parer à la critique qui lui avait été faite en nommant une commission spécialisée en cette matière. Il n'empêche néanmoins que dans les faits les choses restent les mêmes, l'agrément étant donné selon la loi par le Conseil tout entier et non par une partie de celui-ci.

Les choses étant aujourd'hui établies, examinons à présent la composition de cette commission. Figurent dans celle-ci à la fois des membres nommés en qualité de personnes qualifiées et des membres nommés en qualité de représentants des professionnels dont : un commissaire-priseur, un membre du Syndicat National des Antiquaires, un membre des Galeries d'art, et deux membres du Syndicat Français des Experts Professionnels en oeuvres d'art et objets de collection.

Si cette composition peut être jugée comme relativement représentative du marché de l'art, elle n¹en est pas pour autant représentative de l'ensemble de la profession des experts. En effet, une seule compagnie d'experts est présente ici et aucun représentant de la Compagnie Nationale des Experts spécialisée en livres, antiquités, tableaux ou de la Chambre Nationale des Experts Spécialisés en objets d¹art et de collection ne fait partie de la commission chargée de donner son avis sur la compétence de chacun. Cet état de fait, anormal, est à regretter. Il eut été plus juste et judicieux que toutes les compagnies soient représentées ici et l'on aurait pu imaginer une commission où auraient été représentées les trois grandes compagnies françaises d¹experts, sorte de collège de professionnels qui connaissent les compétences de chacun et sont plus à même de juger du bien fondé des demandes.

Le fait est d'autant plus grave qu'il y a ici un danger relativement important quant à la future composition de la liste des experts agréés par le Conseil.

En effet, si nous demeurions maîtres jusqu'à présent d'accepter ou de refuser un candidat au sein de nos compagnies et de trier ainsi le bon grain de l'ivraie parce que nous avons une bonne connaissance des intervenants du marché, en revanche l¹agrément donné par le Conseil des ventes n'est en aucun cas contrôlable par les experts ou par les représentants de cette profession.

On ne peut évidemment penser que le Conseil donnera délibérément l'agrément à des experts qui font mal leur métier, ce serait le taxer de mauvaises intentions qu'il n'y a pas lieu d'évoquer, mais il peut le faire en toute innocence, par simple ignorance d'éléments qu¹il ne connaît pas, éléments qui, s'il en avait eu connaissance, lui aurait fait refuser le candidat.

Il y a là alors le danger de voir se côtoyer sur le même plan des hommes et des femmes qui porteraient tous le titre d'Experts agréés par le Conseil mais qui ne répondraient pas aux mêmes critères de sérieux et de probité dont notre profession se fait l'honneur.

Nombre d'experts s'étaient interrogés à juste titre sur les personnes qui seraient nommées et sur quelles bases celles-ci jugeraient pour donner ou refuser l'agrément. Le Conseil est aujourd'hui nommé pour quatre ans.Souhaitons que l'agrément qu'il délivrera aux experts qui le demanderont ne sera dicté que par la onnaissance approfondie qu¹il aura prise de chacun et que son verdict sera rendu avec l¹impartialité qui doit être la sienne.

L'expert une fois admis pourra donc se prévaloir de ce titre "d'Expert agréé par le Conseil des Ventes olontaires de Meubles aux Enchères Publiques". Ce droit lui amènera de nouvelles obligations et de nouvelles contraintes. Certaines sont fondées, d'autres sont discutables.

C'est ce que nous allons essayer de montrer maintenant.

Obligation financière tout d'abord pour assurer une partie du financement du Conseil des Ventes, l'autre partie étant à la charge des sociétés de vente. Les experts agréés devront donc s¹acquitter tous les ans d¹une somme destinée au financement du Conseil.

Cette obligation aurait pu paraître légitime dans l'absolu. On peut en effet envisager qu¹une partie du financement d¹un nouvel organisme soit à la charge de ceux qui en rofitent. Il en est ainsi de bien des systèmes existants. Mais cette obligation, telle qu¹elle est mise en place, est anormale quant à son fonctionnement et de surcroît peut-être dangereuse dans l'avenir.

En effet, c'est le Conseil qui détermine son budget prévisionnel et qui fixe lui-même la cotisation à payer. Ici point de ratification ou d'acceptation par les sociétés de vente ou par les experts qui sont les cotisants. Les prix, fixés par le conseil, pourront ainsi évoluer sans qu'aucun des participants ne puisse le discuter.

Il n'est pas ici question de mettre en cause l'honnêteté et la probité des membres du Conseil. Il est ici question d'alerter les futurs experts agréés sur le fait qu'ils n'auront aucun recours en cas d'augmentation de la cotisation à payer au Conseil et que le système ici établi est différent de celui que nous connaissons dans nos compagnies où nous votons chaque année le budget prévisionnel et le montant de nos cotisations.

Enfin il faut ajouter un mot à ce sujet. Cette cotisation, fixée cette année pour les experts à 0,75 pour cent des honoraires perçus l'année précédente au titre de leur activité d'expert, peut peser lourdement sur eux. Il faut se garder de la dérive qui pourrait en résulter. Cette nouvelle taxe peut être plus importante que la cotisation qu'ils payaient chaque année à leur compagnie et, par voie de conséquence, peut les engager à se séparer de leur compagnie pour ne demeurer qu'expert agréé par le Conseil.

Nos compagnies, faute de membres, seraient alors amenées à disparaître irrémédiablement. Nous perdrions alors notre identité propre et notre indépendance. Nous perdrions également ainsi tous moyens de défendre notre profession et la façon dont nous voulons l'exercer et serions alors soumis à ce que l'on nous imposerait tant au plan déontologique que financier.

Obligations statutaires ensuite en ce sens que l'expert agréé se voit obligé de limiter son activité à "deux spécialités ou quatre s'il s'agit de spécialités connexes", et qu'il est obligé de souscrire une assurance pour son activité d¹expert.

Sur ce dernier point il n'y a pas lieu à la critique. Les trois compagnies françaises obligent depuis longtemps leurs membres à souscrire une assurance pour leur activité d'expert. Le législateur, avec raison, met à son profit ce que l'expérience avait appris aux organismes corporatifs.

Il est d'ailleurs étonnant de constater que des experts non assurés continuent aujourd¹hui à pouvoir présenter des objets en vente publique et que des commissaires-priseurs continuent à faire appel à eux ! Il devrait, à notre sens, y avoir une obligation générale d'assurance pour tous les experts participant à des ventes publiques, qu'ils soient agréés ou non par le Conseil. Cela éviterait peut être aussi les experts occasionnels de complaisance qui sont pompeusement nommés experts dans une vente qui est en fait la vente de leur collection personnelle.

Limiter son activité à deux spécialités, pourquoi pas ?

On peut simplement poser la question de savoir pourquoi, par quelle baguette magique, le Conseil des Ventes peut imposer à ses membres cette limitation à deux spécialités alors que le bénéfice de cette règle a été refusé aux organisations professionnelles qui ont été condamnées à ce sujet par un arrêt de la Cour d'Appel de Paris le 12 octobre 1999. Il y a là deux poids, deux mesures absolument révoltant. Pourquoi ne pas donner aussi ce droit à nos compagnies ? C'est une question que nous devons nous poser.

Obligations déontologiques enfin par le respect de certaines règles notamment celle pour un expert agréé par le Conseil "de ne pouvoir ni estimer ni mettre en vente un bien lui appartenant ni de se porter acquéreur directement ou indirectement pour son propre compte d¹un bien dans la vente publique aux enchères à laquelle il apporte son concours".

Dans le principe cette règle semble tout à fait légitime. On comprend aisément combien il peut être délicat que l'expert qui a estimé un bien puisse s'en porter acquéreur ensuite. Il pourra être facilement accusé d¹avoir minimisé la valeur de l'objet, voire d'avoir dissimulé volontairement une information dont il avait connaissance pour s'en porter acquéreur ensuite à vil prix. Si ce principe est bon, il montre combien également le législateur s'est montré prudent en cette matière et combien il est méfiant à notre égard.

La pratique que nous avons évoquée plus haut d¹un expert qui minimiserait la valeur ou dissimulerait une information est une pratique de voyou de bas étage et de voleur. La morale à laquelle doit obéir l'expert dans la pratique de son métier est bien au dessus de cela et c¹est nous faire offense que de penser que des experts qui font honorablement leur métier puissent recourir à de tels agissements. Si un expert agissait ainsi et si la compagnie dont il relève en avait connaissance, il se verrait aussitôt exclu de celle-ci.

Il est vrai que parfois certains experts soutiennent les prix qu'ils ont donnés en achetant des objets dans leur vente. Ils préfèrent, au cas où il n'y aurait pas d¹acheteur dans la salle, acquérir eux-mêmes l'objet au prix qu¹ils ont estimé plutôt que de le rendre au client en déclarant que celui-ci n'a pas été vendu. Une telle pratique les honore. Ils vont au delà de leur activité d'expert assumant ainsi pleinement l'estimation qu¹ils ont donnée.

Enfin, sur ce sujet, il faut se féliciter que le législateur ait aussi imposé cette règle aux sociétés de vente et aux dirigeants ou salariés de celles-ci. On imagine combien il eût pu être choquant que ceux qui tiennent le marteau puissent acheter dans les ventes qui se font sous leur contrôle. On notera cependant que la loi leur laisse la possibilité de vendre, à titre exceptionnel, un objet leur appartenant, à peine pour eux de faire savoir cette appartenance par la publicité, et que cette dérogation n¹est pas accordée aux experts. Ce n¹est pas là que je veuille défendre un droit pour un expert de vendre un objet qui lui appartient, mais je veux relever qu'ici il y a encore une inégalité qui me semble injustifiée.

Enfin, avant d'évoquer le problème de la responsabilité de l'expert agréé, il convient de dire quelques mots du contrôle du Conseil sur ces derniers au cas où l'une ou l'autre des obligations imposées n'aurait pas été respectée.

D'une par le contrôle disciplinaire que peut exercer le Conseil dépasse largement le cadre de l¹activité de l'expert. En effet le Conseil peut prendre des mesures disciplinaires pour des motifs étrangers à l¹activité professionnelle par exemple l'incapacité légale, une condamnation pour faits contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs, etc. On frémit ainsi à l'idée du pouvoir donné à ce Conseil de pouvoir sanctionner l'activité d'un expert agréé pour un motif qui ne relève en rien de ladite activité.

D'autre part quant aux sanctions, le Conseil peut délivrer un avertissement, un blâme, peut interdire l'exercice de la profession ou retirer l'agrément.

Passons sur l'avertissement ou le blâme, ils ne sont que de mauvais points sans conséquence.

Interdire l'exercice de la profession. On conçoit difficilement une telle mesure. Que veut dire exactement "interdire d¹exercice de tout ou partie de l¹activité à titre temporaire pour une durée qui ne peut excéder trois ans" ? Imagine-t-on un expert qui puisse s'arrêter de travailler pendant trois ans ? Que le Conseil retire son agrément est une règle tout à fait normale. De la même manière que le membre d'une association peut être exclu de cette association, l'expert agréé peut se voir appliquer la même règle par le Conseil qui lui interdit de se prévaloir du titre de l'agrément. Il retombe alors dans le régime normal c'est à dire qu'il peut continuer à exercer sa profession mais sans apposer après son nom la mention "agréé par le Conseil..."

Par contre, interdire l'exercice de la profession pendant une certaine durée de temps nous semble une curieuse mesure. On imagine difficilement un expert qui accepterait de s'arrêter de travailler pendant plusieurs mois, voire trois ans ; on n'imagine surtout pas un expert qui le pourrait. Il est certain que, poussé par le bon sens ou la nécessité, il cherchera à se faire radier de la liste des experts agréés par le Conseil afin de pouvoir continuer son office en toute liberté. On notera ce propos qu'il n'est pas prévu à notre connaissance de procédure pour l'expert qui souhaiterait se faire radier par le Conseil. Il a été prévu bien sûr que ce dernier puisse se séparer d¹un canard boiteux dont il ne veut pas mais pas de procédure pour l'expert qui souhaite se faire radier de la liste.

Venons en maintenant à la responsabilité de l'expert.

Première règle : "Les actions en responsabilité engagées à l'occasion des prisées et des ventes volontaires et judiciaires de meubles aux enchères publiques se rescrivent par dix ans à compter de l'adjudication ou de la prisée". Félicitons le législateur d'avoir réduit cette responsabilité auparavant trentenaire à une responsabilité décennale et d'en avoir fait bénéficier tous les experts, qu¹ils soient agréés ou non.

Seconde règle : "le prix de réserve est le prix minimal arrêté avec le vendeur au dessous duquel le bien ne peut être vendu. Si le bien a été estimé, ce prix ne peut être fixé à un montant supérieur à l'estimation la plus basse figurant dans la publicité ou annoncée publiquement par la personne qui procède à la vente et consignée au procès verbal". Cette règle s'applique à toutes les sociétés de ventes et à tous les experts qu¹ils soient agréés ou non. Si le bon sens nous pousse à trouver cette règle tout à fait légitime parce qu'elle apporte plus de transparence pour les acheteurs qui savent désormais le prix maximal de la réserve si elle existe, la mise en pratique de cette règle est plus complexe.

En effet, la question a été posée de savoir ce qu'il en était d'un vendeur qui, au dernier moment, quelques instants avant la vente, désire changer sa réserve et la fixer à un montant supérieur à l'estimation inscrite dans le catalogue de la vente. Certains considèrent alors qu'en un tel cas le vendeur est toujours libre de changer sa réserve et, qu'en conséquence, l'estimation doit alors se calquer sur cette nouvelle réserve. Nous arriverions alors à cette situation aberrante où l'expert, agréé par le Conseil en vertu de ses compétences et de son savoir, serait obligé de se plier à la volonté du vendeur quant au prix de son estimation.

D'autres préfèrent penser qu¹une fois l'estimation fixée dans la publicité, notamment par le biais du catalogue, il est impossible de changer cette estimation et que la réserve ne peut donc plus être modifiée. Il y a lieu alors d'annuler la vente. Nous préférons à cette interprétation de "l'estimation fixée en fonction de la réserve" celle de "la réserve fixée en fonction de l¹estimation", mais, devant ce flou, il semble qu'il soit désormais prudent et nécessaire que la réserve soit désormais fixée avant la vente et ceci de façon contractuelle. Qu'on ne se méprenne pas sur notre propos. Il n'est pas à notre sens du domaine de l'expert de s'occuper de ce contrat. C'est au commissaire-priseur que cette charge incombe et c'est à ce dernier d'établir un contrat fixant la réserve sur la base de l'estimation de l¹expert et non sur la volonté du vendeur.

Troisième règle qui s'applique aux commissaires-priseurs et quatrième règle qui s'appliquent à ces derniers et aux experts agréés : " Les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et les officiers publics ou ministériels compétents pour procéder aux ventes judiciaires et volontaires engagent leur responsabilité au cours ou à l¹occasion des ventes de meubles aux enchères publiques, conformément aux règles applicables à ces ventes. Les clauses qui visent à écarter ou à limiter leur responsabilité sont interdites et réputées non écrites " - l'expert agréé " est solidairement responsable avec l'organisateur de la vente pour ce qui relève de son activité ".

La combinaison de ces deux règles a donné lieu à deux interprétations.

Certains n¹ont pas vu de changement avec le régime antérieur applicable en matière de responsabilité. Ce serait la simplement le régime de la responsabilité dans lequel celle-ci ne peut être engagée que s¹il y a eu faute de l¹une des partie, la seule différence résidant dans la solidarité entre le commissaire-priseur et l¹expert. D¹autres ont vu la création d¹une présomption de responsabilité où cette dernière pourrait être mise en jeu dès lors qu¹il est prouvé qu¹il y a eu dommage. Il ne nous appartient pas de nous prononcer en cette matière et nous nous garderons d'entrer dans cette querelle juridique où nous sommes incompétents. La jurisprudence nous montrera demain qui des deux parties avait raison. Tout au plus nous bornerons-nous à dire que peut-être il y a ici une extension du champ de la responsabilité de l'expert.

Voici le terme de ce petit exposé. Sans vouloir faire de polémique, j'ai voulu montrer combien le système peut être dangereux pour l'avenir de notre profession. Le législateur nous a sagement laissé le choix de demander ou de ne pas demander l'agrément auprès du Conseil des ventes. C'est une grande chance qu'il nous ait laissé cette liberté. Chacun doit aujourd'hui faire ce choix. Pour ma part, s'il me paraît qu'un statut des experts est une très bonne chose, je ne pense pas que celui établi à ce jour soit satisfaisant et je ne vois pas l'avantage qu'il y a aujourd'hui à demander cet agrément. Il me paraît anormal que les organisations corporatives n¹aient pas plus participé à son élaboration et, tel qu'il est fait, je ne souhaite pas m'y engager.

Il me semble d¹autre part qu'il est fondamental que nous défendions toujours notre profession et, pour cela, qu'il ne faut jamais que nous perdions de vue l'idée essentielle de notre indépendance. Ayons à coeur de toujours sauvegarder celle-ci et restons vigilants à ne jamais rentrer dans un système général qui deviendrait un jour obligatoire. Nous nous verrions peut-être alors imposer des règles qui iraient à l'encontre de la morale qui doit être la nôtre, règles que notre indépendance nous aurait permis de refuser.

Emmanuel Lhermitte. Chatenay-Malabry, Janvier 2002

E-mail: lhermite@worldnet.fr

 
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